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09 Sep 2021

Faut-il protéger tous vos modèles et dessins ?

Les modèles et dessins. Dans le milieu des créateurs, tout le monde en parle mais est-ce que vous en avez réellement compris l’intérêt ? 

Effectuons un jeu de rôle. Mettez vous dans la peau d’un styliste qui produit des collections capsules. Ces dernières ne durent pas longtemps mais elles ont du succès. C’est d’ailleurs un super coup de communication pour vous faire connaître. Le revers de la médaille ? D’autres créateurs peuvent s’inspirer/copier (la frontière est parfois mince) de votre travail.

Le problème, c’est que dans le feu de l’action, vous oubliez souvent de protéger vos modèles. Et, c’est normal. On pense souvent que “ça n’arrive qu’aux autres” mais en tant qu’artiste et gardien de votre travail, il vous appartient de vous pencher sur la gestion des risques.

L’enjeu est de vous protéger de la contrefaçon. On ne va pas vous mentir. Toute cette sécurité a un coût et demande de l’organisation au niveau administratif. 

Mais, au fait, est-il nécessaire de protéger tout ce que vous faites ? Et surtout, est-ce que ça vaut le coup ? Vous vous doutez sans doute de la réponse. Si c’est un modèle phare sur lequel la vie de votre entreprise dépend, alors la réponse est OUI.

Quels sont les modèles et dessins que vous pouvez protéger ?

Sachez déjà que vous ne pouvez pas protéger tout et n’importe quoi ! 

La protection au titre du modèle et dessin vous permet de protéger l’aspect de votre produit, qu’il soit industriel ou artisanal. On entend par aspect : les formes, les courbes, le design ou encore les couleurs. 

#1/Le modèle que vous avez créé est-il unique ?

Si la réponse est oui, alors vous protégez votre création ! En effet, pour pouvoir prétendre à une protection de la part de l’Institut national de la propriété intellectuelle (INPI) au niveau national ou de l’Office de l’union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) au niveau de l’Union européenne, votre dessin, ou modèle, doit être unique et avoir un caractère propre.

Imaginez que vous soyez si passionné de calligraphie que vous en deveniez un professionnel. A force de pratique et d’expérience, vous remarquez que votre plume nécessite une prise en main différente selon les courbes souhaitées pour les lettres. 

Vous travaillez des heures et des heures pour vous fabriquer la plume de vos rêves. Vous élaborez des centaines de modèles puis, miracle, vous créez enfin le stylo qui régule la pression de l’encre. Bravo, ce stylo est bel et bien unique dans sa conception et dans la technicité qu’il offre !

#2/La recherche d’antériorité avant la divulgation.

La divulgation est le droit, pour l’auteur d’une œuvre, de choisir le moment et la façon dont il souhaite la divulguer, c’est-à-dire l’exposer aux yeux de tous. Mais, il vous appartient également de vérifier qu’une création similaire n’a pas été déposée.

Vérification de l’antériorité en cas de divulgation de l’œuvre.

Si vous souhaitez divulguer votre création, une vérification d’antériorité est nécessaire. 

Qui sait ? Il se peut que quelqu’un ait réalisé la même idée avant vous. 

A votre niveau, vous pouvez également faire des recherches sur internet, notamment avec les bons mots clés, soit avec la fonctionnalité image de Google ou tout autre moteur de recherche. Des outils sont aussi à votre disposition : vous avez la possibilité d’avoir recours à Google Lens ou Pinterest Lens qui sont des systèmes de recherche d’images.

Mais cette méthode a ses limites car d’une part, il faut savoir quoi chercher exactement et d’autre part, il se peut que votre “concurrent” ne soit pas référencé sur internet. 

Une solution complémentaire s’offre à vous : la recherche sur des registres tels que l’EUIPO ou l’INPI. Selon la complexité du produit, cela peut prendre énormément de temps.

Une enquête doit donc être effectuée avant que vous n’envisagez un dépôt pour votre création. En général, un avocat spécialisé en propriété intellectuelle saura où chercher pour s’assurer de la disponibilité du dessin ou modèle.

Toutefois, gardez en tête qu’il existe des milliers de créations et qu’il arrive parfois, malgré un travail de fourmi, de ne pas réussir à mettre la main sur un modèle ou dessin existant.

Faites attention de ne rien avoir divulgué avant la protection

Vos recherches vous amènent à penser que votre création est unique ? C’est une excellente nouvelle ! Mais, pour l’instant, vous ne bénéficiez d’aucune protection. Si vous divulguez votre invention sans protection, elle pourrait attirer l’attention des chasseurs d’innovation. Votre modèle pourrait être déposé par un tiers. 

Reprenons l’exemple du stylo. Vous décidez de partager votre innovation avec dessins et modèles à l’appui à votre investisseur mais (maladresse) vous rendez publiques vos recherches. Un concurrent disposant de plus de ressources financières peut tout à fait effectuer les démarches avant vous. Dans un tel cas de figure, vous allez être contraint de déployer énormément d’efforts pour prouver votre antériorité (sans aucune garantie de succès).

#3/Attention aux modèles contraires aux bonnes moeurs ou à l’ordre public

Tous les modèles ne sont pas éligibles à une protection. 

Ainsi, une création qui ne respecte pas les bonnes mœurs ou à l’ordre public ne sera pas protégé. On entend par bonne moeurs et ordre public, le respect des idées morales communément admises à un moment donné par la moyenne des citoyens. Aujourd’hui, concrètement, les discriminations et l’incitation à la haine sont contraires à ce que prône la société. Par exemple, l’INPI a décidé le 10 novembre 2020, d’annuler le dépôt de marque “Gang Bang” car la marque s’adresse à un large public. En effet,  ce terme est associé à la pornographie et par conséquent véhicule une image dégradante et incitative auprès d’une audience plus jeune.

Enfin, un système spécifique qui est nécessaire à la fonction du produit n’est pas protégeable au titre des modèles et dessins.

Par exemple, un fer à coiffer muni d’un cylindre chauffant polissant rotatif et de quatre rangées de fibres de brosse alignées n’est protégeable. Les juges ont ainsi rappelé qu’un système nécessaire à la fonction du produit ne peut pas bénéficier d’une protection intellectuelle.

Il en est de même pour l’aspect d’un produit associé à ce dernier comme par exemple la poignée d’une tasse.

Quel est l’intérêt de protéger vos modèles et dessins ?

#1/Une protection pour le futur

Un monopole d’exploitation pour une durée minimale de 5 ans

En effet, vous ne bénéficiez pas seulement d’un monopole d’exploitation pour le moment présent mais également pour l’avenir pour une durée maximale de 25 ans.  

Une preuve d’antériorité en cas de contrefaçon

Protéger vos modèles et dessins, c’est aussi un moyen de preuve, solide juridiquement, en cas de contrefaçon. Vous faites bénéficier à vos modèles et dessins d’une protection plus importante, qui vous permet de vous sauver d’un potentiel litige en cas de contrefaçon.

Un élément de différenciation en tant qu’artiste

Une œuvre sort de votre esprit. Si l’originalité est avérée, vous apportez à votre œuvre une différenciation reconnue menant ainsi à sa consécration en tant que création originale. De ce fait, il est essentiel d’ancrer votre originalité en tant qu’artiste tant sur le plan artistique que juridique.

#2/Concrètement : les démarches à suivre pour déposer vos modèles à l’INPI

Les préalables avant de déposer

Il va falloir travailler un peu ! Vous allez devoir suivre plusieurs étapes :

  • Faites une reproduction de ce qui doit être protégé. Toutes les caractéristiques doivent apparaître. En effet, pour que vos dessins puissent bénéficier d’une protection, vous devez montrer entièrement et sous différents angles qu’elle est différente. Vous ne devez omettre aucune des caractéristiques, auquel cas, vous pouvez ne pas bénéficier de la protection.
  • Vérifiez que vous avez bien le droit de déposer votre création. On vous invite à vous référer à ce dont nous avons parlé précédemment : votre création doit être unique, conforme aux bonnes mœurs et à l’ordre public. Bien évidemment, vous devez vérifier que vous êtes bien le premier !
  • Choisissez le type de dépôt. Vous avez le choix entre une période de 5 ans ou une période de 10 ans. La bonne nouvelle ? Il est possible de renouveler cette protection  pendant 25 ans.

Les démarches à suivre du dépôt à la publication

Le reste à faire n’est pas bien compliqué. Il suffit pour ainsi dire mettre la main au porte monnaie et suivre où en est l’instruction :

  • Déposez votre demande auprès de l’INPI et payez les redevances. Le site de l’INPI devient le seul point d’accès pour effectuer toutes vos démarches. Tout vous est expliqué et vous devrez payer en ligne. A l’ère du numérique quoi de mieux ?
  • L’ INPI accuse réception de votre dossier puis instruit vos documents. En cas d’objection de l’INPI (cela porte sur la forme et non sur le fond), vous y répondez Si tout est OK, INPI publie au BOPI (Bulletin officiel de la propriété industrielle) et vous envoie l’avis de publication “valant certificat d’identité”.

Au fait, combien ça coûte ?

Le prix est proportionnel aux reproductions que vous déposez.

Le prix plancher, pour n’importe quel dépôt est de 39€. Vous bénéficiez alors d’une protection de 5 ans pour un premier dépôt. 

Mais, si vous souhaitez, pour un premier dépôt bénéficier d’une protection pour une durée de 10 ans, vous devez ajoutez 52€ supplémentaires, revenant à un total de 91€.

Ensuite, vous devez fournir une ou plusieurs reproductions. Selon le type de reproduction, vous payez :

  • 23€ par reproduction en noir et blanc ;
  • 47€ par reproduction en couleur ;

Petit cas pratique : Vous décidez de faire un dépôt pour la première fois, pour une durée de 10 ans. Imaginons que vous ayez besoin de deux reproductions en couleur et une reproduction en noir et blanc, cela va coûtera donc 185€.

Le règlement peut s’effectuer par l’intermédiaire d’un compte client ou par carte bancaire

Marie-Abigaëlle Massamba

 



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